Le Tantra

Au-delà de la connaissance

Le mot tantra est un mot sanskrit signifiant technique, dans le sens méthode, voie, et remonte à la nuit des temps. Au fil des siècles, le tantra s’est scindé en deux branches distinctes : la Voie de la main gauche utilisant des pratiques charnelles pour aboutir à des expériences spirituelles et la Voie de la main droite n’utilisant pas de pratiques sexuelles. Souvent persécuté, pour sa connotation à caractère sexuel, le tantrisme s’est transmis essentiellement par voie orale et a laissé très peu d’écrits ; le texte de référence étant le Vigyana Bhaïrava Tantra. Le tantra ne se préoccupe pas de questions intellectuelles ou philosophiques. Il ne s’inquiète pas du «pourquoi» des choses, mais du «comment», non de la vérité, mais de la manière de l’atteindre. Pour le tantrisme, être, c’est connaître et il n’existe pas d’autre connaissance. Toutes pratiques, méthodes ou techniques permettant de dépasser le mental inférieur conditionné pour atteindre les rivages de l’Ultime sont - en soi - des tantras. Plus spécifiquement, tous les traités tantriques ont toujours la forme d’un dialogue entre un maître et son disciple dans une relation d’amour. Le tantrisme prend alors un sens particulier : les enseignements les plus profonds ne peuvent se donner que s’il y a une expression d’amour. Le disciple doit être en état de réceptivité, incarner le principe féminin. Le tantrisme invite donc le «goûteur» de vérité à devenir dans l’état psychologique de «la femme qui reçoit l’homme». La voie tantrique amène donc le pratiquant vers un état «yin» afin que ce dernier se laisse «pénétrer» par ce qui est - ici et maintenant. Et cela passe par l’acceptation totale de qui nous sommes et de ce que nous sommes. Loin des pratiques ascétiques, le tantrisme invite, au contraire, à s’immerger totalement dans les perceptions sensorielles. C’est pour cela que les tantras utilisent le langage du corps, les sens, comme tremplin vers le Réel. Ainsi, on comprendra aisément l’émergence de la Voie de la main gauche, utilisant la sexualité comme moyen d’atteindre l’Ultime, conçu ici comme un orgasme total avec l’Univers entier. Cette voie propose, au travers de l’amour entre un homme et une femme, exprimé par l’union des corps, de dépasser la séparation, de transcender la dualité, afin qu’une fréquence extatique et unifiante puisse vibrer «en appui sur deux pôles». Les corps enlacés deviennent alors le creuset d’une alchimie intérieure ouvrant la porte à une expérience directe, non filtrée, de ce qui «est». Mais ne nous méprenons pas, à une époque où le sexe s’affiche et se vend dans des conditions inimaginables, la voie tan-trique se résume souvent aux seules techniques sexuelles : ce qui ne représente qu’un de ses aspects et justifie parfois certaines dérives. S’inspirant des pratiques du tantrisme sexuel, de nombreux stages se multiplient ainsi en Occident. Et pourtant... Que peut-on vraiment dire de l’expérience de l’Ultime ? Qui pourrait en parler ou même la décrire ? Car l’expérience de l’Ultime n’est pas une expérience, puisqu’à cet instant, tout expérimentateur a disparu. Et lorsque l’expérimentateur n’est plus, que peut-on encore dire ? Quand il n’y a plus de sujet, l’objet disparaît. La connaissance brûlante de la Vie éclate en soi au moment même où «celui qui connaît» disparaît, telle est l’essence des véritables tantras... Olivier Desurmont À lire : Le livre des Secrets d’Osho Rajneesh (Albin Michel) ; La Kundalini ou l’énergie des profondeurs de Lilian Silburn (Les Deux Océans); Tantra, suprême sagesse d’Osho (Ronan Deniel Éditeur) ; Tantra et Mythologie de Pierre Bédard (Louise Courteau Éditrice).