Le pardon.
À qui faut-il pardonner… ?
Un travail de pardon est souvent problématique chez de très nombreux
patients ayant subi des traumatismes, la plupart du temps dans l’enfance.
Actuellement l’approche psychothérapeutique utilisée est souvent insatisfaisante.
Voici une autre approche originale qui semble donner de plus en
plus de résultats pratiques.
Etymologiquement
D’après le Petit Robert, le pardon est : « l’action de pardonner ». Et pardonner est ; « tenir une offense pour non avenue, ne pas en garder de ressentiment, renoncer à en tirer vengeance ». C’est une approche très judéochrétienne. Même les philosophes laissent le pardon dans le giron de la religiosité. Dans la Bible, nous apprenons que seul Dieu peut pardonner. Le Christ, messager de Dieu, pardonnait aux personnes. Il a également donné l’autorisation aux apôtres (et donc aux prêtres), le pouvoir de pardonner les péchés.
Regard psychothérapeutique
D’un point de vue psychothérapeutique, les patients sont souvent bloqués par le pardon. Comment pardonner alors que « mes parents m’ont battu », « mon père m’a violé », « je me suis fait « casser » par un de mes parents au niveau psychologique et l’autre parent ne m’a pas défendu », etc. Il est clair qu’il y a une souffrance souvent énorme derrière ces évènements et qu’une colère gronde à l’intérieur de l’individu. Dans la réalité rencontrée au sein des cabinets de psychothérapie, soit les patients ressassent ces évènements du passé, soit ils les refoulent au plus profond d’eux-mêmes pour ne pas en souffrir. Dans l’un ou l’autre cas, il est reconnu que cela peut entrainer des maladies, c’est la somatisation de la souffrance.
Comme la psychothérapie a été fort influencée par notre culture judéo-chrétienne, le message délivré aux patients dans ces situations est très souvent qu’il faut pardonner à son/ses agresseurs. « Vous devez aller au- delà des évènements, même les plus terribles, car cela vous bloque dans votre processus de guérison ». Et toutes les discussions, durant de nombreuses séances « dites de psychothérapie », vont tourner autour de ce thème. Dans la grande majorité des cas, ça ne fonctionne pas et le psychothérapeute (très professionnel…) dira : « vous bloquez… » Et la personne rentre alors dans une spirale de culpabilité et s’enfonce de plus en plus. « C’est ma faute, c’est ma très grande faute… »
Comment faire ?
Il existe de très nombreux livres sur le pardon et comment y arriver. Vous y trouverez de très beaux discours et des recettes très variées. Cependant, on vous fera remarquer que ce ne sont que des recettes qui ne fonctionnent pas chez tout le monde ! Vous n’avez plus qu’à les tester pour trouver, peut-être, une qui va fonctionner chez vous. Les échecs sont très fréquents et les personnes restent bloquées dans leur souffrance.
Une autre approche du pardon
Il est évident que cette approche peut bousculer votre système de croyances judéo-chrétiennes. Cependant, il est parfois nécessaire d’être secoué afin de se rendre compte qu’il existe un autre angle de vue sur cette problématique.
La méthodologie utilisée et décrite ci-dessous se fait en plusieurs étapes.
> PREMIÈRE ÉTAPE, lors d’une séance de psychothérapie, il apparait un ou plusieurs évènements traumatisant comme ceux cités ci-dessus. L’objectif va être de bien les cerner afin de les faire revenir à la conscience si ce n’est pas encore le cas. Il est évident que durant ce type de séance de fortes émotions de colère et de tristesse vont apparaître. Il est important de les verbaliser et de les faire sortir du corps.
> DEUXIÈME ÉTAPE, on propose d’interdir de pardonner aux agresseurs ! Le thérapeute leur dit à voix haute et autoritaire : « je vous interdis de pardonner à … [on nomme le ou les noms des agresseurs] ». L’objectif est de couper ce cercle vicieux de la culpabilité. Il est hors de question de pardonner à … Cela aide le patient à sortir de son blocage par une sorte d’électrochoc. Il est nécessaire, dans certaines situations psychothérapeutiques, de déstabiliser le patient, pour qu’il se rende compte qu’il y a une autre manière d’aborder la problématique, dans ce cas-ci, du pardon.
> TROISIÈME ÉTAPE, cependant, il y a une personne à qui vous devez pardonner, « c’est à vous-même… !» C’est très étrange : « j’ai subi le traumatisme et il faut me pardonner à moi-même ! » C’est incroyable… Et c’est justement là que se trouve la clef pour parvenir à sortir de ces évènements. Le travail psychothérapeutique va consister à ce que le patient réalise qu’il confie toujours du pouvoir à ces évènements et à ses agresseurs après autant d’années. Il doit se pardonner d’être resté autant d’années bloquées dans ses ressentis, qu’il a donné du pouvoir à ces agresseurs (alors que dans certains cas, ils ne vivent même plus). Donc, le pardon est placé à un autre niveau. Il est évident que ce n’est pas une baguette magique. Cependant, le patient aura plus de facilité de pardonner au niveau de luimême, qu’à celui de son agresseur. C’est aussi lui redonner plus de liberté car il retrouve son pouvoir qu’il avait perdu.
> QUATRIÈME ÉTAPE : lorsque tout ce travail de pardon sur lui-même est terminé, alors, il est possible de revenir sur les « agresseurs. » Cependant, le patient aura pris de la distance. Il ne sera plus dans la souffrance et la colère aura été nettoyée par le travail psychothérapeutique.
Il est évident qu’il n’oubliera jamais ce qu’on lui a fait. Va-t-il pardonner dans le sens judéochrétien ? Qui sait ? Et comme la Bible nous dit, « il n’y a que Dieu qui peut pardonner », et l’agresseur s’arrangera avec sa conscience et Dieu… S'il y croit.
L’objectif de cette méthodologie sur le pardon est de changer de niveau logique chez le patient. Cela lui permettra d’avoir une autre vision sur ces évènements traumatisants. Le travail psychothérapeutique ne se fait plus sur l’autre (l’agresseur) mais sur soi-même. La notion de pouvoir est fondamentale dans le cadre de cette approche. Nous donnons trop souvent le pouvoir aux autres…, reprenons ainsi tout notre pouvoir.
Daniel Radoux,
Docteur en Sciences
www.iani.info