Néo-chamanisme, une vision ancestrale adaptée au monde moderne
Le néo-chamanisme regroupe un ensemble
de techniques anciennes et
nouvelles permettant d’utiliser des
états modifiés de conscience pour communiquer
avec le monde spirituel ou
pour soigner. Découverte.
Traditionnellement, le chamanisme est une pratique centrée sur la communication entre les êtres humains et les esprits de la nature, les animaux, les morts du clan, les âmes des enfants à naître ou celles des malades à soigner, etc. C’est le chaman qui incarne cette fonction, dans le cadre d’une interdépendance étroite avec la communauté qui le reconnaît comme tel.
Etymologiquement, le mot « chaman » vient de la langue toungouse (Mongolie) et signifie « danser, bondir, remuer, s’agiter». Le chamanisme prend donc sa source dans les sociétés traditionnelles sibériennes et essaime ensuite de la Baltique à l'Extrême-Orient. On observe des pratiques analogues chez de nombreux peuples, notamment les Turcs et les Magyars, mais aussi au Népal, en Chine, en Corée, au Japon, chez les Scandinaves, les Amérindiens d’Amérique du Nord et du Sud, en Afrique, en Australie et également chez les Celtes (druidisme orthodoxe).
Néo- et Core-chamanisme
On pourrait dire qu’une impulsion nouvelle est donnée au chamanisme par Carlos Castaneda, quand il publie en 1968 « The Teachings of Don Juan », traduit en français sous l’étrange titre : « L’Herbe du diable et la Petite Fumée ». Même si certains prétendent que son oeuvre n’est pas une oeuvre ethnographique mais du génie romancé, Castaneda relate des expériences tellement précises, vécues lors de transes chamaniques, que seul celui qui les a ressenties peut les décrire. Ainsi, l’oeuvre de Castaneda, couplée à la contre-culture occidentale et au « power flower » prôné par le mouvement hippie, a très certainement contribué à l’émergence de nouvelles formes de chamanisme, véritables traits d’union entre Occident et Orient.
Par ailleurs, l’anthropologue Michael Harner, à partir de son étude des Jivaros et d’une approche comparative de diverses traditions chamaniques, a également contribué au retour des pratiques chamaniques en Occident grâce à la parution, en 1980, de son livre : « The Way of the Shaman » (titre français : « Chaman »). Il qualifie son approche de « Core-shamanism », c’est-à-dire « chamanisme fondamental », une vision néo-chamanique regroupant des techniques transcendant les contextes culturels spécifiques.
Dépasser les frontières de l’ego
Même si autrefois le contact avec les arbres, les rivières et le vent était socialement accepté, la culture occidentale moderne et sa vision matérialiste rendent socialement difficile l’intégration de ces pratiques. Le contact avec les esprits ou la transe chamanique est souvent considérée comme de la schizophrénie ou de l’épilepsie... Dans nos sociétés, le chamanisme n’existe que dans les livres, les films et les contrées éloignées. Or, la capacité que possède l’humain à dépasser les frontières de l’ego personnel, ressentir et participer aux forces de la nature et de la Création fait intimement partie de lui. Il n’est donc pas étonnant que, selon la vision néo-chamanique, chacun puisse naturellement utiliser ces pratiques dans la vie quotidienne (sans devenir pour autant un chaman). De nombreux Occidentaux le font pour approfondir le contact avec la partie invisible et spirituelle de la Réalité. Entrer en relation consciente avec le monde des esprits procurerait de la force, restaurerait la santé et permettrait d’aider les autres.
Certaines techniques néo-chamaniques contribueraient à trouver plus facilement des solutions aux problèmes personnels, professionnels ou affectifs et renforceraient même la structure psycho-émotionnelle du pratiquant. De plus, ces méthodes permettraient également d’entrer dans une compréhension plus vaste du fonctionnement de la Nature, du Monde et de l’Essence de chaque être vivant.
A la croisée des mondes
Le néo-chamanisme comprend une panoplie éclectique de croyances et de pratiques qui impliquent une multitude de techniques pour atteindre des états modifiés de conscience afin de communiquer avec le monde spirituel. Parfois, les pratiques utilisées par les néo-chamanes s’éloignent très fort du chamanisme traditionnel. Certaines ont été inventées par des praticiens individuels, même si beaucoup empruntent ou s'inspirent de diverses cultures indigènes.
Le néo-chamanisme n’est donc pas un système de croyances cohérent mais un terme collectif qui regroupe de nombreuses philosophies et activités. Cependant, certaines lignes de force communes peuvent être dégagées. Par exemple, la majorité des néochamans croient aux esprits, recherchent le contact avec le « monde spirituel » et la communication avec les esprits tutélaires animaux, appelés « animaux de pouvoir », grâce à des états modifiés de conscience qu’ils atteignent à travers l’utilisation de tambours et autres percussions, la danse rituelle ou même l’utilisation d’enthéogènes1.
Pour résumer, on pourrait dire que la plupart des systèmes néo-chamaniques se situent entre l’animisme2, le panthéisme3 et la vision transpersonnelle occidentale.
Tous néo-chamans ?
Désormais, aux côtés des lignées séculaires traditionnelles, les nouveaux chamans d’Occident, libres de toutes contraintes culturelles, ont multiplié les voies et les méthodes chamaniques. A première vue, l’on pourrait penser qu’ils sont les cousins des chamans traditionnels ; mais à y regarder de plus près, ils ne sont pas dans la même logique que les autochtones, car pour eux il s’agit de jeter les bases d’une nouvelle tradition. Ils ont par exemple une vision qui n’existe pas dans les lignées ancestrales : un chaman sommeille à l’intérieur de chacun d’entre nous !
Autrement dit, tout le monde a la capacité d’opérer cette reconnexion tant espérée avec la nature et le monde spirituel. Voilà pourquoi le terme « néo-chaman » paraît adapté à tous ceux qui rejoignent le chamanisme sans être né dedans. Un peu comme les « néo-ruraux » qui partent s’installer à la campagne et se différencient des « ruraux » par leurs coutumes décalées.
Nous vivons donc une époque passionnante où les connaissances autrefois accessibles aux seuls élus et initiés deviennent disponibles à celles et ceux qui sont prêts à entrer en relation avec le monde invisible en dehors de la norme, de l’évident et de l'habituel. Une opportunité de plus pour s’ouvrir à d’autres possibles et redonner du sens à notre vie.
Olivier Desurmont
1. substance psychotrope induisant un état modifié de conscience utilisé à des fins spirituelles ou chamaniques.
2. croyance en un esprit, une force vitale, animant les êtres vivants, les objets mais aussi les éléments naturels.
3. doctrine selon laquelle « Dieu est tout », elle se distingue du monothéisme en considérant que Dieu n’est pas
un être personnel distinct du monde, mais qu’il est « l’intégralité du monde ». 4. The Role of Fear in Traditional and Contemporary Shamanism, Bath Spa University College.
RÉFÉRENCES :
• « Soigner les âmes - L’invisible dans la psychothérapie et dans la cure chamanique » de B. Hell & E. Collot chez Dunod,
• « Les chamans. Hier et aujourd’hui » de J-P. Costa chez Alphée,
• « Le Chamane et le Psy » de L. Huguelit et le Dr O. Chambon chez MaMa, le docu.
• « Other Worlds » de Jan Kounen, article de J-P Costa sur arutam.free.fr/Neochamanisme.html et neochamanisme.fr