L’expression profonde et pacifique de soi et de ses aspirations
Chaque être humain, qu’il le sache ou non, est, dès sa naissance,
en permanence habité par différents niveaux ou strates de besoins
(= aspirations, valeurs) satisfaits ou insatisfaits. Ce mot besoin parle de
l’essence même de ce qui vit et vibre en nous, de ce qui nous donne
envie de vivre ou pas !
Que nous en soyons conscients ou non, nous nous levons le matin en espérant vivre la réalisation de nos aspirations, en souhaitant satisfaire des besoins, tels que se nourrir, avoir un toit, s’accomplir, donner, recevoir, se réaliser, donner du sens à sa vie, créer, jouer, aimer, être aimé, estimé, compris etc. Nos besoins sont multiples et ils peuvent tantôt concerner la surface des choses et tantôt parler davantage de notre profondeur. Il existe donc en chacun(e) de nous différentes strates ou niveaux de besoins et, s’il n’y a pas de bons ou de mauvais besoins, il est clair que, selon la façon dont on les exprime, certains d’entre eux sèment davantage de graines de paix et de goût pour la collaboration, alors que d’autres peuvent être perçus comme des reproches ou des plaintes à peine déguisées. Ceci est dû au fait qu’un besoin peut être l’expression d’un manque, d’une attente ou l’expression d’un plein, d’un goût à donner le meilleur de nous. Ainsi, avant de s’exprimer, il est donc bon de s’interroger : est-ce que mon besoin parle de ce que j’attends du monde (exemple : j’ai besoin de considération) ou de ce que j’ai envie de lui offrir (exemple : j’ai à coeur de faire mon possible pour resserrer nos liens) ?
Ceci étant posé, chaque aspiration a droit à notre accueil bienveillant, quel que soit son niveau, car chacune de celles-ci constitue la magnifique trame de ce que nous sommes : des êtres pleinement, voire imparfaitement humains !
Enfin, concrètement, on pourra davantage privilégier la connexion interpersonnelle - surtout dans la durée -, si on développe la capacité de s’exprimer sans charger autrui et/ou sans pointer ses éventuels manquements. Dans ce sens, explorons 3 niveaux de besoins (aspirations) et leurs effets : besoins de surface, intermédiaire et profond
1er niveau : besoins de surface, stratégiques ou en manque
A ce niveau, on voudrait de bonne foi changer la réalité extérieure, les autres et/ou leurs comportements. La conscience de ces besoins est aidante mais son expression gagne à être modérée parce qu’elle implique un manque, voire une accusation déguisée de l’extérieur. Et aussi parce que, demeurant assez bien à la surface des choses, elle est moins puissante et moins apte à créer de la compréhension mutuelle.
Voici des exemples pour clarifier ce propos : Si on dit à quelqu’un : j’aspire à du respect, de l’écoute… cela peut être interprété comme une insinuation qu’il/elle nous manque de respect, ce qui va bloquer la communication. Si on dit : j’ai besoin de calme, outre le fait que ça risque d’impliquer le fait que l’autre manque de calme, c’est un besoin dit de surface, dans le sens où, s’il est satisfait, cela nous permet d’accéder à quelque chose de plus profond, comme, par exemple, travailler dans des conditions aidant à donner le meilleur de soi-même, à offrir sa pleine mesure… Si on dit : j’ai besoin que ça bouge dans l’équipe, c’est l’expression d’un besoin stratégique impliquant autrui (on voudrait que les autres s’activent au service de la productivité). Ainsi, on gagnera à dire, par exemple : l’entreprise a besoin de productivité, j’aimerais entendre de votre part ce qui vous stimulerait positivement par rapport au travail que nous avons à accomplir.
La conscience des besoins de surface nous aide à nous apaiser, à nous clarifier, à accéder peu à peu à des besoins plus profonds, à découvrir les premiers pas vers un j’ai besoin de…, au lieu d’un « tu qui tue »...
Dans l’exemple j’ai besoin de calme, cela peut donner : Quand il y a du calme (besoin de surface), je travaille dans des conditions qui me permettent de me concentrer (besoin intermédiaire) et du coup, je donne le meilleur de moi-même (besoin profond).
Les besoins de surface sont les plus couramment utilisés, mais les moins efficaces en termes d’harmonie et d’interdépendance joyeuse !
Exemple : je raconte à mon/ma partenaire un problème qui me tracasse et je lui demande de l’aide ; sans réagir, il/elle garde les yeux rivés sur la télé.
Besoins de surface : j’ai besoin d’écoute, d’attention, de considération… sous-entendu de sa part !
Si j’exprime à l’autre ce genre de besoins, cela stimulera peu son ouverture et sa compréhension, car cela risque d’induire qu’il/elle devrait m’écouter, faire attention à moi etc. Ce qui nous amène au second niveau de besoin
2e niveau : besoins intermédiaires
Dans cette strate, nous prenons davantage contact avec nous-même. Nous nous acheminons vers la plongée dans notre profondeur personnelle. La conscience de ce niveau de besoins nous clarifie, nous apaise et constitue une passerelle vers la découverte de nos besoins dits en plein ou qualité du vivant. Lorsque nous les exprimons, ils témoignent de nos aspirations sans impliquer autrui. Ils n’entravent donc pas la connexion avec l’autre, car celui-ci est déjà en majeure partie sorti du cadre de notre difficulté.
On s’approche de cette strate de besoins en se demandant : Si je recevais, si je vivais… (citer tour à tour les besoins de surface détectés), qu’est-ce qui se passerait pour moi, qu’est-ce que cela me permettrait ?
Exemple du couple :
Si je recevais, si je vivais de l’écoute, de l’attention, de la considération, cela me permettrait : d’avoir confiance que ce que je dis est intéressant, d’avoir un espoir quant à la résolution du problème que j’expose, de savoir que je compte pour l’autre…
Les besoins intermédiaires sont précieux et renforcent la connexion dans de nombreux échanges car ils clarifient ce que voudrait celui qui parle, sans accuser quiconque.
Exemples : j’ai besoin de comprendre…, de vision future, de clarté sur quelques points etc.
Ils constituent à juste titre un élément essentiel du langage courant, tout en étant, malgré cela, moins porteurs d’inspiration qu’un besoin dit profond !
Si, au début, vous ne percevez pas aisément ce niveau de besoins, sachez que ces strates s’apprivoisent petit à petit par la pratique !
Sur le métier, cent fois, remettez votre ouvrage !
3e niveau : besoins profonds ou qualités du vivant
Dans cette strate de besoins, il n’y a plus d’allusion à l’extérieur, parce que nous sommes arrivés chez nous, dans notre profondeur d’être !
Cette strate nous dynamise, nous relie à notre source d’inspiration, inspire notre interlocuteur et nous permet de nous exprimer sans le moindre risque de blesser l’autre. Nos besoins profonds expriment uniquement notre humanité et leur expression parle des rêves, des aspirations qu’éprouve chaque être au plus profond de lui, souvent sans en avoir conscience. On est loin du manque qu’on risque d’insinuer lorsque l’on cite des besoins de la 1° strate !
Pour conscientiser cette 3e strate, il suffit de nous questionner :
Si je recevais, si je vivais… (citer tour à tour les besoins intermédiaires détectés), qu’est-ce qui se passerait pour moi, qu’estce que cela me permettrait ?
Réponses possibles dans l’exemple du couple : Si je vivais la confiance que ce que je dis est intéressant, si j’avais un espoir quant à la résolution de mon problème, si je savais que je compte pour l’autre…, cela me permettrait de trouver du sens à partager en couple, de la confiance en moi. Et, quand cela se passe, j’ai de la joie et je donne le meilleur de moi au sein de la relation.
Souvent, nous sommes inconscients de nos besoins profonds parce que nous sommes habitués à résoudre au plus vite les difficultés et/ou à penser que c’est l’autre qui est responsable de ce qui ne tourne pas rond chez nous…
Les aspirations profondes sont les plus porteuses de changements positifs et durables. Issues des élans les plus nobles de notre être, elles sont tout à fait recevables par l’autre parce qu’elles témoignent des valeurs qui comptent pour nous.
Percevez-vous la différence entre j’ai besoin d’écoute et j’ai besoin de donner le meilleur de moi ?
J’ai besoin d’écoute : nomme une attente, voire sous-entend un manquement de la part de l’autre et, vrai ou faux, cela risque plus de bloquer la communication que lorsque notre besoin parle de nous, sans impliquer autrui. J’ai besoin de donner le meilleur de moi : témoigne de notre humanité, ce qui, si on est sincère, interpelle positivement autrui !
Pour apprivoiser l’expression de ce qui compte profondément pour nous, il est indispensable de lâcher nos images d’ennemi et c’est donc aidant si nous transformons là où je t’en veux en ce que je veux… et donc si nous nous exprimons pour nos besoins plutôt que contre l’autre !
Afin de mieux sentir l’impact de votre façon de parler, écrivez ce que vous avez envie de dire et, ensuite, lisez-le à voix haute, en imaginant que quelqu’un d’autre s’adresse à vous. Sentez ce que votre lecture vous fait. Êtes-vous à l’étroit, inconfortable, ouvert, inspiré… ? La différence peut être subtile à percevoir au début, mais Peu à peu, on peut ! Pour vous entraîner, voyez le cahier poche Jouvence : « Je m’exprime avec fermeté et bienveillance » et si, vous souhaitez découvrir la Communication NonViolente® en vous délassant, lisez le roman initiatique : « Ne marche pas si tu peux danser ».
Anne van Stappen
Paru dans l'Agenda Plus N° 326 de Avril 2021