La vannerie et les fibres végétales
En harmonie avec son environnement proche, la simplicité, la convivialité et... un autre rapport au temps
L’irrésistible conviction que la science, la
technologie et le «nouveau» constituent la
seule et vraie voie du progrès de l’humanité
a évincé avec mépris, en quelques décennies,
nombre de savoirs et de pratiques ancestrales.
Les artisanats ont ainsi été considérés
comme aliénants et désuets ou, plus pervers,
délocalisés vers les régions du monde où le
respect de l’activité et la dignité même de
l’existence sont superbement ignorés.
une kyrielle d’impasses dans lesquelles l’occident
s’enfonce et le regain d’attention pour
le «plus naturel» revivifient l’intérêt pour certains
gestes ancestraux. A y regarder de plus
près, la vannerie et l’utilisation des fibres
végétales, locales, sont dans la
droite ligne des vertus qu’énonçait
yvan Illich pour une «technologie»
à taille humaine et des pratiques
promues par le mouvement dit «de
transition» vers l’après-pétrole.
Au tout début, il y a le végétal et ses
racines : là poussent des lianes, mais
ailleurs ce sont divers feuillages, le châtaignier,
la ronce, la bourdaine, le noisetier, le
cornouiller, l’osier de saule... chaque région
du monde disposant ainsi de ses trésors et
de ses spécificités.
Depuis «l’âge du fer», la fabrication des ustensiles
nécessaires, spécifiques et suffisants
est acquise. Si les technologies, dites numériques,
peuvent peaufiner les outils ou certaines
productions, elles représentent le plus
souvent une perte d’autonomie et imposent
une standardisation contre-nature.
Le reste est histoire de rapport à la Nature
et de valeurs humaines : définir ses réels besoins,
tracer les limites entre d’une part l’objet
nécessaire et utile et, d’autre part, l’exploitation
superflue, le gaspillage ; connaître
intimement son environnement avec
la formidable somme d’atouts qu’il recèle mais aussi les limites qu’il impose ; adopter
le rythme «des choses naturelles» en toutes
ses phases telles la croissance, la maturation,
la diversité, les aléas, la récolte, le séchage,
... et anticiper le retour à la terre ! Intervenir
au besoin avec retenue, avec l’esprit tourné
vers les équilibres et non la spécialisation
et la maximisation ; ré-établir le lien intime
entre le projet que l’intelligence a conçu et
toutes les aptitudes physiques à déployer
pour réaliser ce projet [panier, manne, nasse,
cloison, corbeille, anse... ] ; acquérir ces multiples
facettes du génie humain par les équilibres
entre sueur et plaisirs, entre pratique,
repos et diversification des aptitudes ;
transmettre ses savoirs, ses acquis,
ses observations dans la modestie
de permettre aux autres d’acquérir
leur propre autonomie. Il y a ici,
en particulier, place pour rétablir
de puissants liens de collaboration
mais aussi de [re]tisser des «fibres sensibles
», des liens trans-générationnels en
valorisant les aptitudes que chaque âge de
la vie procure. tout ceci a existé et se pratique
encore en quelques endroits du monde,
de manière originelle.
Le grand défi n’est donc pas de «revenir en
arrière», de recopier le passé, mais de détecter
puis de développer la sagesse d’écarter
toutes les dérives qui ont dévoyé notre
civilisation de la durabilité et de la faculté
d’adaptation : complexification, spécialisation,
pression du temps, marchandisation
du «capital Nature», compétition, dénaturation,
délocalisation, gaspillage...
Le chantier de l’homme enfin sage !
Dominique Masset
Curieux, désireux d’en savoir plus, contactez-Les
Amis de la Terre au 081 39 06 39 ou via ter-amikaro@
amisdelaterre.be