La méditation pour apprivoiser la réalité...
La méditation a le vent en poupe, c’est à la fois une chance pour l’Occident et un risque
pour cette pratique. Mais que risque-t-elle à être devenue un tel phénomène de mode ?
Victime de son succès, la méditation trimbale avec elle de nombreux malentendus dont
deux sont tenaces.
Le premier serait que la méditation calme et détend. La méditation n’est pas une
pratique qui calme, elle est une voie d’apprivoisement de la réalité, telle qu’elle est. Par
exemple, si nous sommes dans un état de stress intense au moment de la pratique, il
ne va pas disparaître d’un coup de baguette magique. En revanche, à mesure que nous nous posons, notre
manière de nous relier à ce stress va se transformer, les causes et la manière dont il se manifeste en nous
seront mieux discernées. En ce sens, elle est une voie d’apaisement car elle nous apprend à ne plus être
en guerre contre tout ce qui nous arrive. Vouloir à tous prix que la méditation nous calme nous prive de la
rencontre avec la richesse des états d’être que nous recelons originellement en nous.
Le second malentendu à propos de la méditation serait d’en faire un outil qui peut être mobilisé pour être
plus performant, plus efficace, bref, pour devenir une meilleure version de nous-mêmes. La méditation est
une pratique et, en tant que telle, elle nécessite un apprentissage qui prend du temps et qui mûrit tout
au long de l’existence. En faire un énième instrument de bien être, la prive définitivement de son pouvoir
transformateur. Ces simplifications abusives risquent de nous faire passer à côté du fait que cette pratique
deux fois millénaires nous invite à une interrogation profonde sur le sens même de notre existence.
Si la méditation est une chance pour l’Occident, c’est qu’elle nous invite, non pas à contrôler encore
plus tout ce qui constitue notre monde, mais à instaurer un rapport plus vivant à celui-ci, plus libre, plus
enthousiaste. En pratiquant, nous nous enracinons dans le terreau de la vie en nous, terreau à partir duquel
peut naître le courage et un sens d’engagement dans notre existence.
La méditation renverse nos habitudes. Nous ne tentons plus vainement d’adapter la réalité à ce que nous
désirons qu’elle soit mais, au contraire, nous apprenons à danser avec elle et à sentir ce qui est bon et juste
pour nous au regard de celle-ci.
Assis, nous nous offrons le cadeau de prendre place au centre de notre existence et de libérer ainsi la
possibilité de nous relier intensément à ce qui nous anime.
Marine Manouvrier,
Professeur de philosophie dans un athénée bruxellois, pratique la méditation depuis 18 ans
et la transmet au sein de l’antenne belge de l’École occidentale de méditation, fondée par Fabrice Midal en France.