Pesticides : qu’est-ce qu’on attend pour dire STOP ?
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Pesticides : qu’est-ce qu’on attend pour dire STOP ?



Abondamment utilisés et dotés de longue durée de vie, les pesticides s’accumulent dans les sols, se vaporisent dans l’air, contaminent les nappes phréatiques et les rivières, et se retrouvent en bout de course dans les assiettes. Ne dit-on pas que l’on est ce que l’on mange ? Conçus pour tuer le vivant, les pesticides s’en prennent aussi à notre santé.





Fongicides, insecticides, herbicides : leur nom souffle un vent de mort. Et pourtant, dans la période de l’après-guerre, c’est l’usage de pesticides qui a permis aux populations européennes de se nourrir à bas prix. Mais voilà, des dizaines d’années plus tard, ces anges alimentaires se sont mués en démons environnementaux et sanitaires.

Pesticides, qu’est-ce au juste?

L’humain a usé de son génie pour créer de multiples substances capables de détruire, ou repousser, insectes, végétaux, champignons, bactéries et autres vertébrés.
Alors que depuis l’après-guerre, plus de 1000 substances actives ont été mises sur le marché des pesticides, la démonstration scientifique d’impacts graves, tant sur la santé que les écosystèmes, a ramené ce nombre à un peu plus de 300 en Belgique. Organophosphorés, organochlorés, carbamates, et bien d’autres, la liste des noms de famille des agents utilisés pour terrasser la vie est longue et complexe.
On ne présente plus le Roundup : la star des pourfendeurs de mauvaises herbes conçue par Monsanto. Icône des ménagères et des têtes de gondole, on le vend sans retenue. Disponibles en flacons liquides, les tueurs du vivant le sont également en granulés ou en poudre. Le printemps revient, la pluie, les insectes, les mauvaises herbes et les limaces également … La publicité est là pour encourager le chaland à faire passer ces êtres, considérés comme nuisibles, de vie à trépas. Quitte à contaminer la laitue qui se retrouvera bientôt à table, agrémentée de vinaigrette.

Contamination environnementale ubiquitaire

Les résidus de pesticides constituent aujourd’hui un véritable problème de société. Depuis près de cinquante ans, ils sont mis en évidence dans tous les compartiments de l’environnement : dans les sols qui voient pousser les légumes, l’air que l’on respire, les eaux de pluie, les rivières, les nappes phréatiques, et, en fin de compte, dans l’eau du robinet. De plus, la dégradation complète des produits chimiques peut prendre un grand nombre d’années. Cela conduit à une persistance du produit chimique dans l’environnement ainsi qu’à une accumulation dans les différents écosystèmes, et tout au long de la chaîne alimentaire. Ainsi, en arrêtant totalement l’utilisation de pesticides aujourd’hui, on les retrouvera dans l’environnement pendant encore de longues années. Un exemple est le DDT. C’est un insecticide puissant qui est interdit d’utilisation depuis les années 1970. Et pourtant, en 2014, on en trouve toujours dans les rivières wallonnes !

Les particuliers ont la main lourde

On est cerné ! L’exposition aux pesticides se caractérise par une multiplicité des voies d’exposition. Ces substances peuvent pénétrer dans l’organisme par contact cutané, par ingestion - alimentation, boisson, jeu d’enfant - et par inhalation.
Les agriculteurs sont facilement accusés d’être les plus grands utilisateurs de pesticides. Et pourtant ! Lorsque la quantité de pesticides utilisés est rapportée en unité de surface, la tendance s’inverse et montre alors une utilisation massive de la part des particuliers. En effet, alors que les agriculteurs épandent 2,6 kilos de pesticides par hectare de champs, l’usage par les particuliers, dans leurs parterres et leurs potagers, atteint des sommets avec plus de 10 kilos par hectare ! Les particuliers ont la main particulièrement lourde. Le produit fétiche ? Le Roundup !

Roundup : il serait 125 fois plus toxique que prétendu

Début 2014, le Pr Gilles-Eric Séralini de l’Université de Caen a révélé les résultats de l’analyse toxicologique «complète» de 9 pesticides, c’est-à-dire de la formulation du produit tel qu’il est vendu aux particuliers et aux agriculteurs. Il apparaît que 8 d’entre eux entraînent des effets délétères sur les cellules humaines bien plus graves que ceux rapportés et servant de base aux décisions réglementaires européennes. Ainsi, le Roundup serait jusqu’à 125 fois plus toxique que ce que prétend le producteur américain Monsanto. Il n’y a là rien d’étonnant pour le Pr Bruno Schiffers, phytopharmacien à l’Université de Liège : «Les substances formulées [donc les mélanges dans les flacons] se comportent différemment de la molécule active seule. Par exemple, leur persistance et leur capacité de pénétration à travers la peau et les membranes corporelles peuvent être modifiées par la présence de solvants, d’agents mouillants ou encore de surfactants».

La santé trinque

En juin 2013, une vaste expertise collective de l’INSERM [Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale] avait déjà amplifié les craintes, qui ne cessent de se multiplier depuis, envers les pesticides. L’Institut Médical concluait alors «avoir une présomption forte entre l’usage des pesticides par des agriculteurs et le développement de plusieurs pathologies : la maladie de Parkinson, le cancer de la prostate et certains cancers du sang, comme les lymphomes non hodgkiniens et les myélomes». Les agriculteurs et les populations rurales courraient ainsi un risque accru [entre 12 et 28% de risques supplémentaires] de développer le cancer de la prostate.
Depuis les années 1980, de nombreuses enquêtes épidémiologiques ont également attiré l’attention sur la vulnérabilité particulière du foetus et de l’enfant allaité, à l’exposition de leur mère aux pesticides. En effet, les pesticides étant pour la plupart lipophiles, ils vont se loger dans les graisses du corps humain. Le lait maternel, particulièrement riche en graisses, et de facto en pesticides, contamine l’enfant lors de l’allaitement, laissant à ces molécules le loisir d’influencer son développement hormonal. On dit des pesticides que ce sont des perturbateurs endocriniens. En modifiant le système hormonal humain, ils sont grandement soupçonnés d’être une des causes de la recrudescence de certains troubles comme l’infertilité, la puberté précoce ou encore l’obésité.
Le jeune enfant est, quant à lui, attiré par son environnement immédiat. Il joue volontiers par terre et a tendance à mettre des choses en bouche. Il risque ainsi d’absorber des doses non négligeables de pesticides provenant du sol, de la poussière ou de divers objets contaminés.

Effet cocktail dans l’assiette

Les pesticides contaminent les fruits, les légumes, les céréales et les produits d’origine animale [viande, poisson, lait et oeuf]. La plupart étant lipophiles, on les retrouve dans les substances graisseuses animale et végétale. Ainsi, l’huile d’olive utilisée en cuisine se doit d’être biologique, au risque sinon d’ingurgiter du poison.
Tous les jours, de la pollution chimique est consommée via les aliments. «Les substances actives et les résidus de pesticides se combinent dans leurs effets à ceux d’autres substances présentes dans la nourriture : comme les additifs chimiques, arômes artificiels, mycotoxines, résidus d’antibiotiques, ou encore dioxines et PCB. Tous les composés chimiques présents dans les aliments forment un cocktail chimique, dont nous ignorons totalement les interactions et les effets de potentialisation» explique le Pr Schiffers. «Certains médecins expliquent la croissance continue de certaines maladies par cette exposition perpétuelle aux polluants, via l’alimentation et l’environnement».
Face à ces constats, d’aucun s’accordera qu’il est indispensable de consommer des aliments produits sans pesticides. Chacun à son niveau possède des leviers d’actions, pour veiller sur la santé de toute la famille et sur celle de l’environnement. Et si on commençait par cultiver son potager et par entretenir ses parterres, en ayant la main, exclusivement verte ?

L’art de la guerre verte

Qu’est ce qui est nuisible, et qu’est ce qui ne l’est pas ? La nature est bien faite et tout ne doit pas être éliminé.
Une armée de limaces affamées menace les légumes du potager ? Oubliez les granulés bleus, et menez les envahisseurs par le bout du nez : des lamelles de pommes de terre placées sous une planche de bois feront l’appât parfait pour détourner les vils desseins de ces gastéropodes baveux.
Les mauvaises herbes forment un rempart autour de frêles fleurs ornementales ? Combattez l’envahisseur à la loyale ! Armez-vous de gants et arrachez les insolents végétaux à la main, et jusqu’à la racine.

Et les insectes ? Faut-il rappeler que les mésanges et autres volatiles nourris à grand renfort de boules à graisse en hiver, raffolent, une fois les beaux jours revenus, de ces petits invertébrés volants ? Autant faire d’une pierre, deux coups : rien de tel que t’attirer une famille d’amis à plumes, en leur offrant l’hospitalité d’un nichoir accroché à un arbre, en échange d’une décimation active dans les escadrons de mouches et de moustiques. Et ce n’est pas tout, choyez vos alliés : favorisez la biodiversité au jardin en le transformant en un milieu accueillant pour hérissons, coccinelles, abeilles et guêpes solitaires et autres crapauds, … Ils se chargeront seuls, et avec un plaisir non feint, de zigouiller les « nuisibles ».

Et pourquoi ne pas tenter l’aventure du potager bio ? Pailler, composter, pratiquer les rotations … Luc Noël, le journaliste horticole de la chaîne publique, sillonnera d’ailleurs la Wallonie, durant la semaine sans pesticides1, pour prodiguer ses trucs et astuces.

La semaine sans pesticides : c’est du 20 au 30 mars 2014 !

Initiée par la Belgique et la France, la semaine européenne sans pesticides en est à sa 7ème édition. Durant 10 jours, partout en Wallonie et à Bruxelles, plus de 150 actions visent à sensibiliser, faire connaître les réelles alternatives et inciter le grand public à y recourir. Car oui, le refus d’utiliser des pesticides est un choix qui peut être facilement adopté.

Laetitia Theunis

semainesanspesticides.be



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