Entendre des voix ! ?
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Entendre des voix ! ?



Même s’il fût un temps où le fait d’entendre des voix n’était pas nécessairement signe de maladie mentale, les philosophes grecs et autres prophètes seraient sans doute diagnostiqués schizophrènes s’ils avaient été nos contemporains... Pourtant, le 14 septembre prochain sera la Journée mondiale sur l’entente de voix ! Ce phénomène serait en fait une expérience humaine commune, mais néanmoins méconnue, qui serait définie comme une «expérience perceptuelle en l’absence de stimulation externe à l’état d’éveil et qui n’est pas sous le contrôle volontaire de la personne» [Beck et Rector - 2003].





Les études montrent que le fait d’entendre régulièrement des voix toucherait 4 à 10 % de la population. La proportion serait même deux fois plus importante au début de l’adolescence, entre 11 et 13 ans. Soulignons que la majorité des personnes qui entendent des voix ne souffrent pas de maladie mentale et, pour celles qui éprouvent des difficultés du fait de cette expérience, des «groupes de soutien» fleurissent depuis une vingtaine d’années dans de nombreux pays. Le Réseau «Intervoice» a d’ailleurs été créé en 1997 pour encourager, soutenir et coordonner les centaines d’initiatives locales [intervoiceonline. org].

Côté francophone, le Réseau sur l’entente de voix [REV] a été créé en France en 2011. Il s’agit d’un mouvement d’entraide basé sur le modèle des A.A. Son credo ? Il est tout à fait possible de mener une vie normale même si l’on converse avec des «gens» invisibles pour l’entourage…

Le tabou sur le fait d’entendre des voix seraitil propre à nos sociétés cartésiennes et laïcisées ? D’autres cultures admettent le phénomène plus volontiers. On se rappelle, par exemple, la mésaventure de Zinédine Zidane, en 2005. Un an seulement après avoir quitté l’équipe de France, l’idole du football annonce, à la surprise générale, qu’il revient sur sa décision. «Une nuit, à 3 heures du matin, je me suis soudain réveillé et, là, j’ai parlé avec quelqu’un [...], confie-t-il au magazine France Football. C’est quelqu’un que vous ne rencontrerez probablement jamais [...].
Moi-même, je ne m’explique pas cette rencontre. [...] Et, là [...], j’ai pris la vraie décision de revenir.» Sa déclaration, quasi mystique, suscite aussitôt les sarcasmes. La journaliste Besma Lahouri, auteur d’une biographie du joueur, y voit un malentendu: «Si vous êtes de culture musulmane, vous considérez comme valorisant d’entendre une voix...»
Face à cet étrange phénomène, encore très peu étudié, la majorité des psychiatres restent circonspects. «L’approche, nouvelle, suscite encore beaucoup de méfiance chez les professionnels de la santé mentale, qui la connaissent mal», observe Yann Derobert, l’un des fondateurs du REV, diplômé en psychologie clinique. «Les usagers se prennent en main et, souvent, cela dérange.» Pour lui, on assiste à un mouvement d’émancipation comparable à celui de l’homosexualité qui n’est plus considérée comme une maladie mentale. Peut-être verra-t-on un jour des individus faire leur «coming out» et clamer fièrement : «J’entends des voix, et alors ?»

olivier Desurmont



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