L’homosexualité révélatrice…
On parle beaucoup d’homosexualité. Ce n’est pas en vain.
C’est que l’homosexualité et la place qui lui est assignée
dans une société est un miroir de comment cette société se
conçoit…
L’homosexualité remet en cause bon nombre de valeurs sur lesquelles se sont établie la «bonne famille» d’antan, à savoir la famille hétérosexuelle et osons-le-dire patriarcale. Sait-on assez que le Code civil se faisait garant de ce qu’il appelle les «impératifs naturels» ? C’est-à-dire ? C’est-à-dire que l’on assignait des rôles aux femmes et aux hommes selon une soi-disant loi naturelle. Et que, dans cette vision des choses, dont nous sommes encore bien malheureusement imprégnés, il y a une idéalisation de la nature biologique où la femme est avant tout considérée comme mère. Heureusement, toute une série de réformes, liées à l’accès des femmes à une relative autonomie et égalité, font que le mariage est devenu un contrat liant 2 personnes égales. Dans cette perspective, si le mariage lie 2 personnes égales et autonomes, il serait cohérent que deux personnes de même sexe puissent y souscrire.
Mais ce n’est pas donné. Loin de là. Non seulement le mariage homosexuel pose problème [on l’a vu avec le tollé qu’il a soulevé en France], mais les homosexuels sont également victimes d’une recrudescence d’homophobie et de discriminations sur le territoire de pays soi-disant ouverts, comme le sont la Belgique ou les Pays-Bas.
Ils sont, par ailleurs, condamnés à être emprisonnés, victimes de sévices corporels, de déportation et de travaux forcés dans plus de 60 pays, dont, pour n’en citer que quelques-uns, le Sénégal, l’Algérie, le Maroc, Singapour, Sri Lanka, Nigeria….
Ils peuvent également y laisser la vie… comme ces deux ados, l’un de 16, l’autre de 18 ans, condamnés par l’Iran à être pendus le 19 juillet 2005. Oui, aussi incroyable que cela soit, les homosexuels sont, en effet, encore passibles de la peine de mort dans 7 pays : L’Iran, l’Afghanistan, l’Arabie Saoudite, le Nord du Nigéria, la Mauritanie, le Soudan et le Yemen.
Nature ?
L’argument le plus souvent brandi contre l’homosexualité est l’argument naturel. «C’est contre-nature, ce n’est pas naturel. Il suffit d’observer la nature et le comportement des animaux».
Il se fait justement que le comportement des animaux est de plus en plus finement étudié par les éthologues et qu’il est désormais admis que la sexualité exclusive reste rare dans la nature. C’est la diversité des comportements sexuels - et de tout ce qui s’y rapporte - allant des prémisses, la parade nuptiale, jusqu’à l’établissement de couples parentaux, qui prime.
Ainsi, les zèbres, les éléphants de mer, les orques, les lamantins, les caméléons, les lions, les putois, les hyènes, les singes, les chiens du même sexe ont de fréquents ou occasionnels rapports entre eux. Les dauphins mâles, eux, raffinent, puisque non content de pratiquer le sexe anal, ils pratiquent le sexe… nasal, vu qu’ils introduisent leur pénis dans l’évent de leur partenaire. Les girafes mâles, quant à elles, s’adonnent avec passion au «necking», l’enlacement de cous, allant jusqu’à l’érection. Les moutons ont nettement des préférences homosexuelles, ainsi que les canards colverts ! Sans parler des reptiles, des insectes et de très nombreuses espèces d’oiseaux, comme le coq, la perdrix, la caille, la colombe…
La liste serait longue à énumérer, vu qu’elle comporte au moins 450 espèces et ce de façon non exhaustive. Ces espèces ont des comportements sexuels non reproductifs comme la bisexualité, l’homosexualité, la masturbation.
Homoparentalité animale
En outre, l’homoparentalité est également présente dans le monde animal. Ainsi, il existe des couples de femelles chez les oies sauvages dont l’une s’accouple avec un mâle de passage. Ceci fait, elle retourne chez sa compagne pour couver les oeufs et élever les oisons ! Il arrive aussi que des manchots mâles préfèrent vivre entre eux et «adoptent» les oeufs des autres.
Et enfin, pour clore ce chapitre de l’homosexualité animale, rapportons cette histoire désormais bien connue qui s’est déroulée en 2005 au zoo de Bremerhaven en Allemagne. Dans ce zoo, 6 manchots mâles ont formé 3 couples homosexuels. Les autorités du zoo s’en sont émus et ont introduit des manchots femelles… et les mâles ont maintenu leur couple gay initial !!
Une nouvelle civilisation
Les «lois de la nature», sur lesquelles le judéo- christianisme, s’est basé pour asseoir une norme, celle de la «famille naturelle», sont obsolètes. La nature n’est plus conçue comme un ordre par la science, mais comme un système extrêmement complexe. Autrement dit, la vision de la nature, la conception qui en découle, le cadre de la pensée qui l’élabore a tout simplement totalement changé ! Le judéo-christianisme, durant des siècles, a établi son discours normatif autour d’un projet divin dont les «lois de la nature» faisaient témoignage. Mais la civilisation judéo-chrétienne est en train de s’éteindre. Qu’on le veuille ou non, une nouvelle civilisation est en train de se mettre en place.
La désacralisation de la famille naturelle
Le «mariage pour tous» est un lieu de convergence où se manifestent les craquements les plus significatifs des anciennes valeurs liées à la famille patriarcale.
En un demi-siècle, outre la maîtrise de la fécondité, et l’accès de la femme à un autre statut que celui de «mère», il y a une pluralité de modèles familiaux, composés et recomposés. La «famille naturelle», la famille présentée comme modèle, la famille avec un père, une mère et un enfant, n’est plus représentative de la société en devenir.
Elle est largement remise en cause dans l’établissement de la nouvelle civilisation à l’oeuvre actuellement, dont le mariage homosexuel témoigne, se faisant l’écho du processus de désacralisation de la famille «naturelle» !
Du reste, la famille hétérosexuelle et procréatrice, comme l’explique la sociologue des religions Danièle Hervieu-Léger2, n’a pas toujours été un modèle. Les anthropologues montrent au contraire qu’il existe un grand nombre d’organisations de familles et de parentalités dans le temps et l’espace.
A terme, on peut légitimement imaginer, que l’institution même du mariage civil, où 2 personnes de sexe différent, ou de sexe identique, s’unissent, soit élargie. C’est ce que Jacques Derrida et Marcela Jacub, préconisent, en demandant le remplacement du mariage civil par un contrat de vie commune à x personnes….
Nous n’en sommes pas encore là, mais la place de l’homosexualité dans la société est révélatrice de son ouverture à une réalité collective qui se rend libre de différentes emprises.
Ces emprises sont celles qui ont produit l’esclavage, la domination d’un sexe sur un autre, les guerres collectives ou privées, les tortures, les stigmatisations, les génocides, et toutes les formes de violence liées aux abus de pouvoir d’une pensée unique.
Marie-Andrée Delhamende
1. cfr sites : linternaute.com & wikipedia, sur l’homosexualité animale.
2. Cet article est redevable de l’entretien avec la sociologue des religions Hervieu-Léger dans «Le monde des religions», n°56
Livres :
• on notera deux très bons romans pour ados : «50 minutes avec toi» de Cathy Yak aux Editions Actes Sud junior, 77 pages. Le monologue d’un fils envers son père, un très beau récit
• «Le faire ou mourir» de Claire- Lise Marguier aux Editions Rouergue, 103 pages. L’histoire d’amour de Samy, chef d’une bande tendance punk, et du nouveau du collège, Dam.
Adresse utile : pour toute infos sur l’homosexualité (jeunes, parents, groupes de loisirs gay et lesbien) : telsquels.be