La vie avec ... humour !
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La vie avec ... humour !



L’humour étrille. L’humour transforme. L’humour bouge et fait bouger.
C’est une attitude devant la vie.
Il se joue des sérieux. Il se joue des souffrances. Il se joue des oppressions. Il est libre…


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Le rire est bon pour la santé. Il dilate la rate, comme le dit la chanson, et le bon fonctionnement de celle-ci. Mais il stimule également le foie, fait baisser la tension artérielle, augmente la production d’insuline grâce au massage du pancréas par le diaphragme, il libère les tensions musculaires des bronches. Il entraîne également la production de sérotonine et favorise donc le sommeil et la lutte contre la migraine et la dépression. Il augmente aussi les anticorps, il permet de mieux digérer grâce à l’augmentation des sucs digestifs et de la salive, il permet un meilleur fonctionnement de l’intestin et moins d’aérophagie, il favorise la lutte contre la douleur et le stress en libérant les précieuses endorphines, qui sont la morphine naturelle produit par l’organisme. Bref, chaque fois que nous rions, nous nous faisons du bien. Le rire était d’ailleurs prescrit pour rester en forme par les médecins dès l’Antiquité qui préconisaient 10 minutes de rire quotidien. Qu’attendons-nous alors pour nous «poiler» chaque jour ?

Allez, riez maintenant !

Rire est, en tous cas, une pratique instituée dans les clubs de rire qui se développent un peu partout dans le monde. Le yoga du rire est né en 1995 avec le docteur Madan Kataria à Bombay. Il est basé sur des étirements, des exercices simples de respiration, des applaudissements accompagnés de sons imitant le rire. La pratique est simplissime : un groupe de personnes se réunit et… rit sans raison. Les adultes réunis n’ont aucune raison mentale de rire. Ce rire sans raison n’est pas naturel. Il est déclenché artificiellement. Mais forcé, du moins au départ, il a le mérite d’exister. En substance, le docteur Kataria estime que mieux vaut se forcer à rire et profiter des bienfaits physiologiques de cette pratique que de ne pas rire du tout !

C’est rigolo…

Corinne Cosseron, quant à elle, si elle anima les clubs de rire avec la méthode de Madan Kataria, s’en détacha peu à peu pour créer l’Ecole Internationale du Rire qui forme des intervenants en rigologie dans le monde entier. Si l’intervenant en yoga du rire est formé en un week-end, celui en rigologie l’est en un an, avec 75 heures de formation, un stage de 35 heures, l’animation d’au moins 20 séances, la rédaction d’un mémoire et sa soutenance devant un jury. Bref, c’est du sérieux, la rigologie !! «La rigologie, explique la fondatrice, est un ensemble de techniques psychocorporelles d’éducation émotionnelle destiné à stimuler la joie de vivre, l’optimisme, la créativité et d’une manière générale la bonne santé mentale et physique». Et d’ajouter une autre définition plus lapidaire, la rigologie, «c’est rigolo et ça fait du bien» ! Ce qui différencie véritablement le yoga du rire de la rigologie, c’est que cette dernière refuse catégoriquement le recours au rire artificiel. C’est même le contraire. La rigologie donne des outils à la personne pour que celle-ci se réapproprie un rire sincère et naturel. Et cette réappropriation peut prendre le temps qu’il faut. Chacun re-rit ou re-sourit à son rythme. L’espace et les différents outils [danses, jeux, etc...] qu’offre la rigologie sont destinés à remettre la personne en contact avec sa joie.



Dr Patch, Kinou, les clowns

D’autres approches comme les «clowns à l’hôpital» méritent aussi une place de choix dans le petit palmarès des pratiques thérapeutiques du rire. on se souvient de la belle interprétation de Robin Williams dans le Dr Patch qui raconte la vie du très réel Dr hunter Adams, qui se rebaptisa Patch Adams après la fondation en 1971 d’un hôpital gratuit qui fonctionna durant 15 ans, ouvert 24 heures sur 24, et dont la particularité était que le rire faisait partie intégrante des soins. Le Dr Patch Adams a formé des dizaines de clowns hospitaliers. Autre figure bien connue de médecin qui travailla en collaboration avec un clown : le Dr tal Schaller qui, avec son comparse Kinou le clown, firent moult tournéesconférences- spectacles pour expliquer la valeur thérapeutique du rire, de la bonne humeur et de l’humour, expérience immortalisée dans le best-seller au titre ludique : «Rire pour gai-rire». Signalons que la Belgique, elle aussi, est ouverte à cette voie avec notamment les artistes professionnels oeuvrant dans l’association «Les clowns à l’hôpital».

Dénigrement : impossible de rire en sécurité !

Toujours est-il qu’il y a des rires bien différents. Les clowns font rire les petits, et parfois rire les grands. Mais parfois pas non plus. Car on ne rit pas tous des mêmes choses et on n’a pas tous la même faculté de rire. Par exemple, il ne suffit pas d’écouter des blagues en société pour les trouver drôles. on y rit parfois jaune. ou on reste de marbre face aux blagues lourdes, xénophobes, racistes, où les blondes, les arabes, les flamands, les homosexuels, et à peu près le monde entier est soumis au dénigrement… ! Cet humour-là est relativement sinistre car convenu. Les rires qu’ils génèrent sont, du reste, marqués par la bêtise. Impossible de rire librement et de partager ce rire-là. Car il n’y a pas de véritable rire sans sécurité. Non pas que l’on doive rire seulement des nunucheries bluettes. Non. Le rire peut porter sur le tragique de l’existence. Mais le dénigrement ne permet pas de rire. Il fait seulement du mal. Et on ne rit pas si on est dévalorisé, nié ou ridiculisé en public. Non, il n’y a pas de rire sans sécurité. Si quelqu’un fait de l’humour à notre encontre, nous pouvons rire si nous savons que la personne n’a aucune mauvaise intention à notre égard. Nous pouvons rire car nous la savons bienveillante.

Un goût délicieux…

Lorsqu’une personne rit sincèrement, franchement, c’est souvent communicatif. Quand quelque chose de drôle arrive dans un groupe, que quelqu’un se met à rire, et que ce rire est un rire joyeux, le groupe embraye. En quelques secondes, une unanimité est faite : on rit ensemble. Le rire est non seulement communicatif, mais il facilite aussi la communication, voire la communion. Car la rencontre se fait au-delà des paroles. Il y a immédiatement une connivence sans paroles dès que l’on a ri ensemble. C’est étonnant. on pourrait penser que le plaisir d’être joyeux nous réunit. Et certes oui, c’est bon d’éprouver du plaisir. Mais le rire va au-delà du plaisir. Quand on rit ensemble, on se sent connecté. on partage quelque chose qui est précieux, extrêmement précieux. Ce quelque chose à un délicieux goût de liberté.



Rire, ton autre nom est «liberté» !

A peu près rien n’arrive à la cheville d’une sensation de liberté. Etre libre, c’est être déconditionné, et cela l’espace d’un éclat de rire. or, quoi de plus enviable ? C’est en tous cas là que se croisent les chemins des poètes et des philosophes du quotidien dont nous sommes tous plus ou moins, pourvu que nous aspirions à une présence au présent. Rire, rire vraiment, c’est toujours se rendre compte que l’on est conditionné. Et si l’on s’en rend compte, c’est parce qu’il y a quelque part en nous une liberté totale. on a tous intérieurement cette possibilité de liberté totale. Comme s’il y avait quelqu’un de libre qui nous habitait psychiquement. Et ce quelqu’un rit, oh ! combien il rit, de tout ce qui est figé et mécanique. De tout ce qui est apprêté et pompeux. La liberté rit quand on se prend au sérieux…

Ce n’est pas sérieux !

on ne peut d’ailleurs rire que lorsque l’on sait au départ que l’humoriste ne parle pas sérieusement. Prenons le fameux récit de Jonathan Swift, publié en 1778, 3 ans après les admirables «Voyages de Gulliver» [à lire absolument pour leur inventivité, leur fantaisie et leur humour !], et considéré à juste titre comme un classique de l’humour anglais(1). Le titre de ce texte donne le ton : «Modeste proposition pour éviter que les enfants des pauvres d’Irlande soient un fardeau pour leurs parents ou pour le pays, et pour les rendre utiles à la communauté ». Dans ce récit, le ton de Swift est celui d’un professeur d’économie politique qui, avec une logique irréfutable, donne un conseil que nous, lecteurs, savons absolument immoral et impossible à réaliser. Puisque, dit-il, l’Irlande est affamée, qu’il y a surpopulation et qu’il n’y a rien à manger, et bien mangeons les enfants des pauvres !! De plus, puisque les pauvres vendront leurs enfants, cela leur fera des sous ! on ne peut rire de cette proposition que si on sait Swift humoriste. Si on doutait de cela, si on le soupçonnait de sadisme ou de cruauté envers les enfants, par exemple, la chose ne ferait plus rire du tout. Mais on rit car l’irréalisme et l’immoralité de cette proposition, énoncée très doctement, ont quelque chose de hautement comique. tout à coup, le monde est réduit à sa dimension d’absurdité…

Vous avez dit «normal» ??

Or, peut-être sentons-nous confusément que les conventions dans lesquelles nous évoluons habituellement ont quelque chose de terriblement absurde. Lorsque l’absurdité est mise en évidence via l’humour, on touche à quelque chose de plus profond qu’une simple farce. Car il s’agit avant tout de poser un regard sur ce qui nous environne, et sur nous-mêmes. Comment est-il ce regard ? S’il est non-conformiste, naïf et frais, alors le monde de la normalité apparaît tout à coup comme étrange. Ce monde de la normalité d’instissé de formes rigides et de règles arbitraires qui donnent lieu à nos comportements, notamment en société, se révèle tout à coup absurde… et tellement comique. on rit parce que le regard est renouvelé. C’est cela que permet l’humour, c’est de faire apparaître les choses sous un jour nouveau. Car lorsqu’on vient de rire de quelque chose, on pourrait tout aussi bien en pleurer. Ce qui est triste peut aussi faire rire. Ce qui semble désopilant peut être désolant. tout est réversible et question de point de vue. on rit grâce à ce petit pas de danse qui fait que l’on peut poser un regard plutôt «comme ça» que «comme ci» sur les choses les plus terribles. C’est ce que montre le film extraordinaire d’humour, de poésie et d’audace «La vie est belle» de Roberto Begnini où un père juif déporté dans un camp de concentration avec son fils lui fait croire que ce qui s‘y passe est un immense jeu dont le but est de gagner un char d’assaut…



Indépendance…

L’humour et le rire, pour toutes ces raisons, décrochent la palme de «docteur ès relativité et renouvellement de point de vue». Bon nombre de guides spirituels en font un axe d’enseignement, si ce n’est une façon de vivre... tout se résout par un changement de regard sur la réalité, et l’humour ouvre à ce changement, l’acte, et l’exprime. Ainsi, les rue au Vème siècle en Chine, jouissentils d’une immense liberté pour exposer leurs enseignements. Pour eux, la vie et le Chan sont inséparables, d’où rejet du dogmatisme et des formes figées. A-t-on jamais vu une vie dogmatique ? Non, bien sûr. La vie se manifeste par un changement incessant qui «désétablit » toute chose. Aussi, les premiers grands maîtres Chan parcouraient-ils les contrées en se gaussant de tous ceux qui se prenaient trop au sérieux. Ces grands voyageurs au verbe sans concession dénonçaient toute forme de dépendance, fût-ce même des disciples à leurs maîtres. Un pratiquant du Chan est d’abord et avant tout un esprit libre comme le clame yuanwa : «Sors de la dépendance vis-à-vis de toute chose, pure ou impure»(2).



…et rire indomptable

Cette indépendance, qui est déconditionnement absolu s’exprime notamment par le biais du rire, mais comme le souligne si magnifiquement Daniel odier, il s’agit d’un rire indomptable. Ici nulle peur de déplaire. L’humour des vieux maîtres Chan est radicalement impertinent, à tel point que la plupart d’entre eux se faisaient «jeter dehors» de ce qui était considéré comme politiquement correct dans le petit monde des règles et injonctions des sages traditionnels. Car, pour le Chan, la voie n’est pas de renoncer au monde mais de l’accueillir tel qu’il est, en étant présent à lui, joyeusement présent, d’ins maîtres du Chan, forme de zen appatant en instant, dans la liberté. Dans la liberté d’un espace intérieur enfin rendu à sa «vastitude» essentielle. Car l’espace intérieur est souvent rétréci aux dimensions de nos expériences émotionnelles, expériences doublement retrécissantes car figées par des mots…

Humour juif et texte sacré

Il est vrai que les mots et les conceptions fixent le réel et le figent. Le recours à l’humour est tout particulièrement pédagogique pour étriller les mots. Ainsi, dans le judaïsme, qui est une toute autre culture spirituelle que la culture zen, les mots, les concepts, les idées, la polémique, l’étude et l’exercice de l’intellect ont une place prépondérante. on ne s’étonne donc pas que l’humour fasse contrepoids à cette omniprésence du savoir et de l’étude. En effet, on donne à tout enfant juif l’impulsion de lire la Bible en en renouvelant le sens. Le texte est à scruter, analyser, disséquer, interpréter. Cela se fait par devoir mais aussi pour le plaisir, avec des compagnons d’étude. Le compagnon d’étude est essentiel dans la culture juive. Ensemble, on s’adonne à un véritable sport d’adresse intellectuelle. on ne s’étonne donc pas que l’humour juif se caractérise par un rapport aux mots, ceux-ci pouvant toujours être pris à rebrousse poils. Nous pouvons, en tant que lecteur de n’importe quel texte sacré ou sérieux ou philosophique, bref de n’importe quel texte soidisant édifiant, en prendre de la graine. Et pratiquer, nous aussi, une saine mise à distance de la pensée-à-vérité-uni-que. En effet, l’un des ressorts de l’humour juif est de montrer qu’il y a toujours deux points de vue sur la même chose. on peut renverser l’argument de l’interlocuteur en son exact contraire. La réalité est vue par l’autre bout de la lorgnette. Des plaisanteries bien connues, tirées du livre «Dieu comprend les histoires drôles» de V. Malka, auteur et producteur à France Culture de l’émission «Informations juives», illustrent ce double usage et ce renversement de point de vue : «Un rabbin court dans la rue, en criant : Réponses ! Réponses ! J’ai des réponses ! J’ai des réponses ! Qui a des questions ?». ou encore : «Pourquoi ne cesses-tu de dire du bien de Jacob alors qu’il ne cesse de déblatérer sur ton compte ? - Nous avons probablement tort tous les deux !»



On n’abat pas l’humour : il n’a ni tanks, ni fusils

Les maîtres du talmud commencent leurs travaux en faisant un mot d’esprit, ou en racontant une histoire drôle, ou en jouant sur les mots. C’est que l’histoire drôle permet la déconstruction. Ainsi, quelle modernité dans develes mots de ce traité talmudique : «Il faudrait déconstruire telle phrase, détricoter tel verset biblique, il faudrait comprendre non pas ceci mais plutôt cela» [cité par Malka, op. cit.]. Eeeeeeh, oui, la vérité n’est pas tout à fait si logique et si linéaire que le déroulement d’une phrase ou d’un texte pourrait le faire croire. Il faut parfois lire entre les lignes et renverser l’ordre des propositions… Cet humour qui se joue des mots, cet humour qui manie finement l’intellectuel, a été aussi nourri par la terrible réalité des ghettos et de l’oppression. L’humour peut exprimer la résistance. Il est présent dans bon nombre de situations où il faut résister. Et c’est une résistance que personne ne peut abattre. on n’abat pas l’humour. Il n’a ni tanks, ni fusils. Juste un regard et une attitude particulière face à la vie, même lorsqu’elle amène l’épreuve.



L’ironie du sort…

L’humour est un véritable maître qui déboulonne tous les «savoirs». L’humour se fiche des règles. Il a quelque chose d’impertinent. Il rue dans les habitudes et les façons figées d’étiqueter la réalité, les autres et soi-même. En cela, il est un véritable aiguillon de déconditionnement. En cela, il est le chevalier servant de la vie. Car la vie n’aime pas le statisme ni l’immobilisme. D’ailleurs, ne s’arrange-t-elle pas pour faire exploser les formes rigides alors qu’on ne s’y attend pas ? Ce n’est parfois pas gai du tout, l’ironie du sort. on est chef et on perd son boulot, on est sportif et on a un accident qui nous rend handicapé, on trouve sa femme au lit avec son meilleur ami, on ne peut plus payer ses dettes alors qu’on croyait son compte en banque bien garni, on séduit et on est abandonné, on quitte son mari et on se rend compte un an plus tard que c’est bien lui qu’on aime, on est riche puis ruiné, il y a une guerre dans le pays où on s’était planqué, un accident alors qu’on a renoncé à l’auto, un attentat dans une maison de revalidation, un tsunami sur une plage de rêve ! Bref, quelque chose fait que là où l’on s’était installé et où l’on se croyait fort et imprenable, et bien là justement, ça explose ! tout ce qui est figé, la vie se charge de l’éclater ! Elle nous joue de fameux tours à sa façon. Le sort est facétieux. oui, la vie se rit de nos certitudes….

Malgré tout…

Mais quand nous perdons tout, nous ne perdons que ce que nous croyions «tout» qui n’est finalement que très relatif. Si nous nous en rendons compte, et qu’à un certain moment nous sourions de nous-mêmes et de notre condition limitée, c’est qu’il nous reste la liberté de penser. Nous avons la liberté de regarder la réalité d’une certaine façon, avec l’humour. S’il survit, alors nous sommes sauvés !! Nous nous mettons du côté du Grand Rieur du nom duquel on pourrait baptiser le destin et le sort. Celui-ci, tel un tambour, donne des bleus à nos coeurs et réveille nos âmes lorsqu’il bat dans nos vies. oui, nous pouvons rester libres, indépendants et vivants en develnant hommes et femmes d’humour. Et cela, en toute circonstance. Il ne s’agit peut-être plus de rire alors, mais il s’agit de chanter la vie telle que s’écrie le poète Moreau : «Alors que tout s’effondre en moi, autour de moi, il y a ça : cette étrange pulsion solitaire qui veut que les choses chantent, malgré tout». «Le scaphandre et le papillon» on pense ici au terrible témoignage de Jean-Dominique Bauby, intitulé «Le scaphandre et le papillon» [éditions R. Laffont]. Le scaphandre représente le corps de Jean-Dominique Bauby. Le papillon, son esprit. Un corps totalement paralysé. Car Jean-Dominique n’a plus eu aucun accès à son corps après un accident vasculaire cérébral. Atteint du «Locked-in syndrome», que l’on peut traduire par «Etre enfermé en soi-même», il ne pouvait ni marcher, ni bouger les bras, les mains, les jambes. Il ne pouvait plus parler non plus. Ce qui lui restait, c’est le seul battement de sa paupière gauche. C’est par ce biais qu’il communiquera avec le monde. Et cet enfermement terrifiant, il parvient, par l’écriture, à en témoigner et par l’humour à le transformer. Une telle attitude est annoncée d’emblée par le fou-rire qui, telle une explosion, envahit Jean-Dominique, lorsqu’il constate et voit sa situation telle qu’elle est. Une situation où il se retrouve exilé dans un corps inerte : «Non seulement j’étais […] réduit à une existence de méduse mais de plus j’étais affreux à voir. J’ai été pris du fourire nerveux que finit par provoquer une accumulation de catastrophes lorsque, après un dernier coup du sort, on décide de le traiter comme une plaisanterie». Le ton de Dominique Baudry est teinté d’un «rire silencieux», dit le romancier et essayiste Pascal Bruckner. Ce rire silencieux exprime l’humour, l’incroyable humour qui, là, tout au fond du cauchemar, reste encore possible ! Cet humour qui fait que «les codes usuels du malheur sont détournés», cet humour qui témoigne, plus que jamais, d’une des composantes les plus belles de la nature humaine, rendue agissante intérieurement pourvu qu’on la soutienne : la liberté.

Marie-Andrée Delhamende



(1) Cet exemple est donné par Robert Escarpit dans son essai «L’humour», éditions PUF, p.86.
(2) Cfr livres, Daniel Odier.

Livres
- Pascal Bruckner, «L’euphorie perpétuelle, essai sur le devoir de bonheur», éditions Grasset.
- Corinne Cosseron, «Remettre du rire dans sa vie. La Rigologie, mode d’emploi», éditions Laffont.
- Daniel Odier, «Chan et Zen», Pocket spiritualités.
- Victor Malka, «Dieu comprend les histoires drôles, l’humour perdu des juifs», éditions Points sagesse.




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