En 2018, devenir le meilleur de nous-même …
La fin d’année est l’occasion pour chacun de clôturer un
cycle. A l’instar des vins qui orneront les fêtes, nous pourrions
nous demander si nous aurons transformé 2017 en
un bon millésime…
Ce serait d’ailleurs amusant de partager un moment d’un repas de fêtes pour que chacun exprime – pourquoi pas avec les métaphores du jargon oenologique – en quoi l’année 2017 fut :
• « fruitée » (avec les évènements vivifiants, toniques, amusants)
• « tannique » (avec les évènements qui ont laissé quelques amertumes ou aigreurs en nous-même)
• « longue en bouche » (avec des éléments qui nous ont tenus en haleine, etc)
• et autant de saveurs et sensations dans le coeur à traduire en fragrances et saveurs tout au long de cette année !
Les fins de cycles sont propices à un moment d’évaluation – non pas au sens étroit du concept en craignant le jugement extérieur – mais dans la perspective de construire son existence, de la baliser avec des temps d’arrêt pour être lucide et bienveillant et ainsi mieux dessiner les perspectives à venir en 2018 et au-delà. La période du solstice d’hiver nous y invite d’ailleurs pour ainsi dire très naturellement.
Le processus d’évaluation
Le processus d’évaluation est en soi déjà tout un exercice : nombre d’humains l’insupportent. Être évalué, c’est se confronter à la peur du jugement. Et donc potentiellement à être humilié. Autant dire parfois expérimenter la sensation d‘être anéanti lorsque le jugement « condamne », « exclut » ou « démolit ».
De plus, si l’évaluation cristallise autant de peurs chez nos contemporains, c’est qu’elle a parfois valeur d’une apparente sanction, donnant à voir ou vivre l’échec, imprimant alors un diagnostic de « pas capable » dans le regard social, à un moment donné. En réalité, très souvent, il en est tout autrement, mais l’ego parfois n’accepte pas de sortir de son petit monde pour le comprendre : l’évaluation est une étape, et dans une perspective dynamique où tout évolue, l’évaluation permet de se situer, de rebondir, de devenir Soi-même, et si possible, le meilleur de soi-même !
A tous ceux qui détestent être évalués, il conviendrait de réfléchir aux conséquences d’une vie sans évaluation ; et alors tout s’éclaire plus naturellement. Par exemple, que deviendraient nos routes si les examinateurs du permis de conduire délivraient à chacun le précieux document rose sans critère de respect du code de la route et des aptitudes personnelles ?
La douceur de l’auto-évaluation
Pour faciliter l’évaluation dont il est question, il sera naturellement plus aisé de pratiquer l’auto-évaluation car cela nous permet ainsi d’être le meilleur des coachs, des instituteurs, des professeurs en tous genres, pour poser un regard doux, dynamique et bienveillant sur notre existence. Et cultiver ainsi la lucidité envers soi-même, cette aptitude infiniment précieuse dans la vie qui donne à voir dans certains moments singuliers des aspects qui ne sont pas souvent visibles au premier abord. Lucidité et bienveillance sont alors les dispositions qui rendent toute évaluation naturellement constructive, positive, judicieuse.
L’évaluation - le bilan - exige de prendre de la hauteur, de revenir aux fondamentaux, d’accueillir et de ressentir comment nous avons décidé de nous insérer dans le flux de la vie en devenant ou pas qui nous aimerions être, qui nous sommes vraiment.
C’est un très bel exercice qui nous renvoie à l’humanisme – autant rappeler ici que ce courant visant à développer le plein potentiel de l’humain sera un véritable challenge dans les années à venir : le rouleau compresseur de la digitalisation et de l’intelligence artificielle a bien révélé son existence en 2017 et sera en partie en totale opposition avec l’humanisme. Une robotisation des rapports humains ?
En 2017, par exemple, on a évoqué avec bonheur dans les médias la présence de robots pour accueillir des patients dans un hôpital ou animer des personnes âgées dans des maisons de repos. Là où encore d’aucuns se réjouissent des avancées de la technologie, il est évident qu’il y a suppression d’humanité. Qui pense réellement qu’un(e) senior sera réellement réjoui(e), réchauffé(e), coeur et âme, en discutant avec un robot ?
La digitalisation et l’intelligence artificielle sont dans le sens du monde actuel, mais étant si peu cadré sur le plan éthique et amplifié par des économies d’échelle financières et des gains de productivité que leurs développements sont exponentiels. Et à la clé, une perte d’humanisme dans mille professions dont nous peinons à mesurer l’ampleur.
Donc, sous couvert de facilité et d’ergonomie informatique, notre condition humaine entre à pieds joints et en souriant dans un asservissement économique et financier qui amplifiera la déshumanisation des rapports sociaux. Etrange et à mille lieues du besoin de retisser du lien social dans notre société de la solitude. Peutêtre devrons-nous expérimenter qu’un câble « Ethernet » ou un « like » ne pourront jamais remplacer un sourire, un bonjour chaleureux et la qualité de présence d’un regard se posant sur une parcelle de souffrance humaine.
Tailler son diamant intérieur
Pour la plupart d’entre nous, nous avons le cadeau d’une longue vie pour devenir une belle personne, pour devenir le meilleur de nous-même, pour donner au monde le meilleur de nous-même. Nous vivons des phases pour apprendre, nous vivons des phases pour transmettre. Nous vivons des phases pour se construire et d’autres pour aider à construire les autres.
C’est une immense opportunité de la vie et pourtant, force est de constater que cette opportunité n’est pas si souvent saisie dans son immensité. Métro, boulot et voilà que notre être est au dodo.
Tailler un diamant pour qu’il brille de ses mille facettes n’est pas chose aisée… Cela demande un certain travail, une forme de disposition d’esprit. Essentiellement, pour devenir une belle personne, la vie va automatiquement nous pousser à devenir :
Plus autonome, c’est-à-dire moins dépendant
Nous naissons très dépendants, le bébé ne peut vivre seul, ni matériellement, ni affectivement. Au fur et à mesure de l’existence, nous développons davantage notre autonomie. Mais elle est souvent relative, bridée par des dépendances matérielles et surtout affectives.
Parfois, nous croisons des gens qui semblent très heureux, puis un divorce, un décès ou un licenciement et tout s‘écroule pour eux : je serais heureux si… alors là où les dépendance(s) se révèle(nt). Bon à retenir, plus le choix de vie est engagé et davantage la personne aura à vivre des expériences pour développer son autonomie et donc assumer seule d’innombrables expériences, la rendant plus forte, plus détachée, plus autonome.
Alors, en 2018, quelles sont les dépendances que je pourrai encore assainir ?
Plus aimant, c’est-à-dire moins rugueux
Sans relations, nous dépéririons. Ce qui nourrit les relations, ce sont toutes les formes de l’amour que nous y insufflons : amitié, amour filial, amour du métier, affection fraternelle, etc. Il y a des gens que l’on aime et ceux que l’on aime moins. Ou plutôt, il y a des gens qui transportent des aptitudes que l’on aime et d’autres que l’on arrive moins à aimer.
Formulé de la sorte, ceci nous renvoie à notre capacité à accueillir vraiment, à aimer réellement, à comprendre profondément, à développer l’intelligence du coeur, l’écoute sincère, la compassion, le respect. Quand toutes ces qualités sont bien nourries, le relationnel est fluide, aimant, sinon nous devenons rugueux. Nous nous accrochons à toutes formes d’aspérité, autant dire alors que le meilleur de nous-même s’étiole et s’éloigne.
La vie a comme projet pour chacun de faire de nous des êtres aimants, infiniment aimants : tous les maîtres spirituels de tous les temps l’ont toujours enseigné. En douter est non seulement stupide mais surtout terriblement inutile.
Alors, en 2018, quelles qualités de coeur puisje encore développer davantage ?
Plus libre, c’est-à-dire plus audacieux
« L’homme est un animal social », l’adage est connu. Chaque époque transporte des formes de « normes sociales » auxquelles nous tentons plus ou moins de correspondre. Le regard social, le besoin de correspondre à la norme de la société ou à la norme de la famille, ou aux codes de notre profession peut parfois étouffer qui nous sommes vraiment.
Le besoin de reconnaissance – très puissant à cette époque - est une véritable addiction collective qui peut étouffer notre audace, notre créativité, notre désir d’oser des modèles inédits. Pourtant, jamais, ô jamais, nous n’avons eu autant de liberté grâce à la libération des contraintes matérielles.
Voyager plus facilement, vivre dans un monde libéré des tâches ardues et parfois harassantes (la magie du temps gagné par une machine à laver, par exemple, à comparer avec des pays où la tâche de la lessive dans la rivière exige des matinées entières), avoir accès facilement à diverses connaissances, au métissage des cultures, est une immense opportunité de notre époque.
En 2018, de quelles formes de normes sociales ou familiales pourrais-je m’affranchir ?
Plus créatif, c’est-à-dire non monotone
L’acte de création est inhérent à l’humain. Pourtant, par le moule de l’éducation, par le manque de temps, par le manque d’inspiration, nous laissons ce très bel instinct de créativité s’atténuer ou parfois s’endormir.
Tout est propice à la création, absolument tout, et chacun est un artiste, à sa façon. Il n’y a aucune discipline ou sphère de la vie qui ne se prête pas à l’acte de création : l’art du voyage, l’art de la table, l’art de parler, l’art du sport, l’art de professer, l’art de s’habiller, etc. Créer, c’est inventer. Inventer, c’est faire un « ippon » à la peur de l’inconnu.
C’est ici sans doute que les normes sociales sont les plus puissantes pour nous freiner dans notre créativité : nous comparer à des artistes « cotés » peut nous faire sentir que nous ne valons rien ou chercher à les imiter ; répéter les mêmes actes jusqu’en perdre la saveur et la teneur nous laisse croire que la vie ne nous laisse pas de place pour créer ; certaines de nos créations qui déplaisent à un moment ou dans un contexte peuvent nous donner l’impression que notre création est médiocre ou même inutile.
Créer, pour le plaisir de créer et déjà nous sommes libérés de toutes ces normes sociales. Sortir du désir de plaire ! En ces temps où tout le monde a un avis sur tout et tout le temps, cela devient un sport de haute voltige !
Colorer notre maison, notre agenda, nos plats cuisinés, créer des choses inédites, chaque jour. Mettre de nous-mêmes dans tout ce que nous faisons. Eviter de refaire deux fois la même chose. Y investir le meilleur de nousmême.
En 2018, dans quelle sphère de ma vie vais-je investir davantage la créativité ?
Transcender la jalousie
Chacun de nous est interpellé par des personnes que nous trouvons « belles ». Ici, il n’est pas question de mannequinat, mais bien de toutes ces personnes qui nous interpellent par ce qu’elles sont, par ce qu’elles rayonnent. La jalousie qu’il nous arrive d’éprouver à l’égard de ces personnes est alors une expérience qui mérite que l’on s’y attarde. Primo, nous ne nous sentons pas grandis par ce sentiment un peu vil. Secundo, laisser persister la jalousie en nous, nous coupe de nous-même. La jalousie est un révélateur. Quand je ressens une forme de jalousie ou d’envie à propos d’une personne, bien souvent, c’est qu’inconsciemment j’ai envie de devenir ou d’incarner une partie des qualités de cet être. La jalousie est une cristallisation de l’ego qui désire posséder immédiatement une qualité sans vouloir investir pour son développement. L’ego est dans l’immédiateté, dans l’envie de posséder.
Pourtant, avec une seconde de recul et dix centimètres de prise de hauteur, je peux juste accueillir mon aspiration à développer cette qualité que je perçois chez l’autre : la jalousie est alors de passage, elle disparaît parce que vous vous attelez à rayonner (ou à guérir ce qui vous bloque à rayonner) vous aussi cette qualité d’être.
Si évident et pourtant si exigeant…
Devenir soi semble naturel et évident et pourtant mille pièges sont à éviter en permanence. Ainsi est pour partie l’art de vivre.
Et la prochaine fois où un proche vous demandera « Que deviens-tu ? », lui répondre « Le meilleur de moi » en développant ne fut-ce qu’une dimension de vous sera un cadeau pour la relation qui vous permettra à vousmême de vous entendre évoluer, avancer, bonifier !
Et si vous voulez finir par un exercice amusant de 10 minutes, écrivez-vous une carte de voeux avec ce que vous vous souhaitez réellement pour 2018, et laissez cette carte en vue tout au long des mois à venir. Vous pourrez ressentir si vous honorez, par vos choix, vos aspirations profondes pour les mois à venir… pour devenir le meilleur de vous-même.
Raphaël Dugailliez
Paru dans l'Agenda Plus N° de