Voyager autrement
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Voyager autrement



La période charnière dans laquelle nous nous trouvons, nous pousse vers «l’autrement». Manger, bouger, habiter, apprendre, communiquer… Même notre façon de voyager est à revoir…



Depuis toujours l’homme a voulu partir à l’aventure, aller voir ce qui se cachait au-delà des frontières, des mers, des océans. Au début du 19ème siècle, les expéditions foison- nent. Les pays qui le peuvent sou- tiennent les voyageurs en donnant la faveur à leurs propres pôles d’intérêts stratégiques. C’est la naissance des grands aventuriers, un monde mas- culin et éprouvant dans lequel, mal- gré tout, des femmes très audacieu- ses rompent avec les conventions et de la scène touristique de nos jours se sont battus pour rendre le voyage plus démocratique, pour que chacun ait la possibilité de voir les beautés du monde, de rencontrer d’autres popu- lations. L’ère nouvelle du tourisme dit «démocratique» ne commence réel- lement que dans les années soixante. L’exotisme se renforce grâce au déve- loppement du tourisme international. L’appel de l’ailleurs reste pourtant le même, irrésistible et terriblement hu- main. Dans cette course à la démocra- tisation imposée par la métamorphose du monde, le voyage a considérable- ment évolué mais, quelle est encore son essence, son véritable sens ?

Voyager autrement
Voyager aujourd’hui est devenu pour une majorité synonyme de vacances. on part pour rompre avec son quoti- dien pour le mettre sur pause et pren- dre du temps pour soi, pour s’adonner à ses activités préférées. L’on se repose, les enfants sont pris en charge par des structures, tout est sous contrôle. La planète rétrécit, la standardisation tou- che les équipements, les logements et la nourriture. tout est mis en œuvre pour que le vacancier se sente chez lui ailleurs, qu’il ne soit pas trop dépaysé. L’exotisme devient abordable. Des for- mules avion/hôtel à des prix défiant toute concurrence envahissent le mar- ché. on parle de tourisme de masse. L’idée d’un seul monde, d’une seule race est rassurante mais est-elle vrai- ment le reflet de la réalité ?
- Les notions de découverte, de contem- plation du monde, de rencontre avec une culture différente, s’estompent. Malgré tout «on fait l’Egypte, l’Argentine, la Norvège...». Est-ce réellement encore un voyage ? Le déplacement nous ap- porte-t-il encore des valeurs profondes ? Du questionnement naît la distinc- tion entre deux termes : voyageur/ touriste. L’un serait en quête, l’autre en marche sur les sentiers battus.

Le voyage, un vrai business
Le tourisme est devenu une véritable industrie, la première de la planète. Sa progression est de 4% par an. L’OMT [Organisation Mondiale du Tou- risme] prévoit en 2020 : 1,5 milliard de touristes dans le monde, soit 21% de la population mondiale. Si partir de chez soi est synonyme de se faire plaisir, décompresser, découvrir, cela devrait s’accompagner d’une conscience des impacts du tourisme. Formidable vec- teur de développement, il peut aussi avoir des conséquences graves sur l’en- vironnement et les populations. Des lieux magnifiques sont visités, mais leur protection passe au second plan. Des emplois sont créés, mais enrichissent un portefeuille étranger. L’eau sert à ar- roser des golfs au lieu de pourvoir aux besoins quotidiens des habitants des villages…
Dans un contexte de mouvements en faveur du Développement Durable et du Commerce Equitable, les prises de conscience au niveau international des impacts du tourisme ont favorisé l’émergence d’acteurs engagés dans un tourisme «différent». Nous som- mes invités à devenir des «voyageurs responsables». En 1951, Jean Malaurie de retour d’une expédition parmi les Inuits : «… et la terre n’est pas éternelle. Un devoir urgent d’éthique incombe à l’homme de science comme à l’homme d’Etat. Méfions-nous de nous, hommes et femmes occidentaux de peu de foi, qui ne pensons à l’avenir qu’à court terme : toute atteinte à la nature est suicidaire pour l’avenir de notre planète. Il est grand temps - si même il est encore temps - de combattre pour sa sauvegarde qui est aussi la nôtre.»

Ce nouveau tourisme
Pour celui qui souhaite donner ou re- donner un sens au voyage, il existe de nombreuses formules. De la petite à la grande structure, du sac à dos au voyage organisé plus proche de la nature, plus proche de l’autre et plus proche de soi. La chance nous est offerte de redevenir acteurs de nos voyages. Agir et être pleinement conscient des conséquences de nos actes en est le pilier. Il est triste de constater qu’en vacances, les gens sont peu soucieux des ressources naturelles. La priorité consiste à impliquer aussi les communautés locales tout en favorisant une prise de conscience chez les habitants du pays d’accueil de la nécessité de préserver le capital naturel et culturel. Voyager devient durable, écologique, solidaire…



Petit voyage au coeur de ces notions.

Le tourisme durable
Il s’agit de transposer à l’univers du tourisme le concept du Développement Durable. L’accent est mis sur la répartition équitable des ressources générées afin de préserver à long terme les ressources naturelles, culturelles et sociales. La priorité est le respect de la personne, des cultures et de la nature. Pour garantir la durabilité sur le long terme un bon équilibre entre les aspects environnementaux, économiques et socioculturels du développement du tourisme est primordial. L’équité et l’épanouissement des individus vivant dans les régions visitées est pris en compte. Cette notion fut officialisée en 1995 lorsque l’OMT a organisé sa première conférence sur le tourisme durable. Avec l’UNESCO et la Commission Européenne fut créée la première charte de tourisme durable réactualisée en 2004, pilier central de ce concept. Certains diront que cette notion chapeaute toutes les autres, d’autres mettront en haut de la liste le tourisme responsable.

Le tourisme responsable
Ce tourisme met l’accent sur la responsabilité, le fait d’être conscient de ses actes et de leurs conséquences. Il implique une vision globale du touriste ayant intégré la nécessité de respecter la nature, les cultures et de favoriser l’économie locale. La consommation devient réfléchie.

Le tourisme solidaire
La finalité est d’amener le touriste à pratiquer la solidarité concrète avec les populations visitées. Cela peut se faire en soutenant un projet de développement. Il s’inscrit dans la durée, garante de l’accomplissement et de la pérennité des actions de solidarité. L’implication des populations locales dans les différentes phases du projet touristique et la réalisation concrète de véritables projets de développement local sont les piliers du tourisme solidaire.

Le tourisme équitable
Le tourisme équitable s’inspire des principes du commerce équitable. Il insiste sur la participation des communautés d’accueil, sur les prises de décisions démocratiques, sur des modes de production respectueuse de l’environnement et sur une juste rémunération des prestations locales. Le respect des droits de l’homme est une valeur centrale des partenariats entre les opérateurs touristiques du Nord et les communautés locales.


Le tourisme participatif
Sa vocation est de faire revivre les relations entre touristes et résidents afin de créer un véritable lien social et de retrouver une hospitalité parfois oubliée lorsqu’il s’agit de tourisme de masse. On replace la relation au centre du voyage. Le voyageur et celui qui reçoit sont sur un pied d’égalité sans intervention de l’aspect financier. Cette nouvelle forme plus humaine du tourisme se développe très bien en milieu urbain.

L’écotourisme
Ce tourisme est centré sur la nature. L’idée a fait son chemin parallèlement à la prise de conscience environnementale. Le terme fut créé dans les années ‘80 par des biologistes au Costa Rica, pays précurseur en la matière. Appelé aussi «Tourisme vert», il est issu de l’intérêt grandissant des touristes pour l’environnement. Le respect de la nature et la préservation du patrimoine, tant culturel que naturel, en sont les bases. L’objectif est de limiter l’empreinte écologique laissée par les voyageurs sur l’environnement. Priorité à la protection des espaces naturels et sauvages.
The International Ecotourism Societey [Société Internationale d’Ecotourisme], première organisation à s’être engagée à promouvoir ses principes, en donne la définition suivante : «une forme de voyage responsable dans les espaces naturels qui contribue à la protection de l’environnement et au bien-être des populations locales».
Ces différentes façons de voyager autrement sont intimement liées puisqu’elles ont au final pour but de redonner sa juste place à l’Homme et à la Nature, et ce, à long terme. Si l’on y regarde de plus près, l’on verra que rien de nouveau n’est inventé. C’est novateur et ancestral. Il s’agit de remettre en avant les fondamentaux du voyage qu’heureusement de nombreux voyageurs n’avaient pas perdu de vue. Pour Marie- Paule Eskénazi, directrice de l’asbl «Tourisme- Autrement» le travail le plus important à effectuer est celui d’informer. «De nombreuses personnes ne sont pas conscientes des réalités liées au tourisme. Pour certaines, c’est une réelle découverte d’entendre que dans beaucoup de pays comme le Maroc, la population est privée d’eau pendant une grande partie de la journée pour que les hôtels en bénéficient librement.»

Des valeurs de base
Il est intéressant de voir à quel point l’humain est central dans cette nouvelle approche du tourisme. S’il s’agit avant tout de respect, il est également question de partage. Il ne faut pas nécessairement que le voyage soit lointain, l’essentiel est de s’ouvrir l’esprit, d’aller à la rencontre du monde. Les voyages en grands groupes sont progressivement remplacés par des groupes plus restreints afin de privilégier les contacts. Ainsi, même dans les villes sont nées des nouvelles tendances, celles d’accepter des inconnus chez soi ou de leur servir de guide local. Le concept des «Greeters» [«ceux qui accueillent»] est né en 2002 à New York. A ce jour, une douzaine de villes, dont Bruxelles et Namur, ont un tel réseau. Le principe : des gens habitant une ville proposent gratuitement de la faire visiter à des étrangers. Le mode de transport choisi est respectueux de l’environnement [vélo, à pied, bus] et le programme élaboré conjointement. L’échange est mis en valeur. Autre concept, né lui aussi aux Etats-Unis : le couchsurfing [passer d’un canapé à l’autre]. L’objet social de ce réseau est de fournir en ligne, sans publicité, un service d’hébergement à des personnes. Au lieu d’aller à l’hôtel, on loge sur le canapé d’inconnus prêts à nous offrir l’hospitalité, ceci sans contrepartie financière. Le but est de «rapprocher les personnes et les lieux dans le monde, créer des échanges de savoir, élever la conscience collective, diffuser la tolérance et faciliter la compréhension interculturelle.» De nombreuses villes de par le monde y participent. L’hospitalité, une valeur que l’on croyait disparue revient, aidée par Internet. A ce jour, 3 millions de personnes dans 247 pays mettent à disposition un futon, un divan-lit, une chambre d’amis... pour le simple plaisir de rencontrer et de partager.

Nul besoin de partir à l’autre bout du monde pour aller à la rencontre d’un lieu, des hommes et des femmes qui l’habitent, dans un esprit de solidarité. Près de chez soi aussi l’échange peut être vecteur de déséquilibres qui altèrent le tissu économique et social, réduisant la nature et la culture à des objets de consommation. En «voyageant autrement », le tourisme devient un projet partagé, choisi, non subi, sources de revenus équitables et un espace de rencontre et d’échange avec des individus en quête d’un autre voyage.

Dans nos sociétés en perte de sens, voyager retrouve son caractère initiatique. L’on va dans le désert pour se retrouver, dans la savane pour se reconnecter à sa force sauvage, nager avec les dauphins pour ouvrir ses chakras, en haut des montagnes pour toucher les étoiles… Cela redonne sens aux mots de Nicolas Bouvier, écrivain-voyageur ayant inspiré la génération des baroudeurs, «On croit qu’on va faire un voyage, mais bientôt c’est le voyage qui vous fait…»

Vanessa Jansen
Merci à Marie-Paule Eskénazi, directrice de l’asbl «Toursime autrement» : www.tourisme-autrement. be - www.voyageons-autrement.com - www.greeters.be - www.couchsurfing.com - www.valises-en-famille.com



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